mardi 10 juillet 2012

Ya Shi, août 2011, de Jing Tea Shop

Cela fait un moment que je veux goûter au doux parfum d'excréments de canard. Non, vous n'hallucinez pas, "parfum d’excréments de canard", c'est bien ce que j'ai écrit car il semblerait que ce soit la traduction du nom chinois de ce cultivar "Ya Shi Xiang". Un nom pas très avenant mais non dénué d'humour!

C'est Mr Pomme qui me donne l'occasion de tester le Ya Shi de Jing Tea Shop. Un petit mot sur cette boutique en ligne, dont il me faut signaler que, chose encore trop rare dans le monde du thé, pour chaque thé en vente, ils indiquent le terroir, la date de récolte, l'altitude et le grade. Malheureusement, je ne peux vous transmettre ces informations car je n'y ai pas eu accès, la récolte que j'ai reçue datant de 2011, elle n'est plus en ligne.

Longues et torsadées, plutôt sombres dans l’ensemble, avec de nombreuses nuances de vert, du noir aux reflets verts au vert-jaune presque beige en passant par le kaki, et l'on y voit également des taches brunes. Cette variété de couleurs des feuilles sèches m'étonne... et m’inquiète un peu, ainsi que la présence de nombreuses tiges. Mais les parfums me rassurent.

Respirer les feuilles sèches de cet échantillon est pour moi un grand plaisir. D'abord, un fugace parfum de beurre pâtissier qui laisse rapidement place à un nez fruité, fruits à chair jaune et fine, de la pêche et de l'abricot notamment, et fruits exotiques, douceur fruitée et délicatement florale comme de la mangue, avec une fine note d'agrume (citron vert, voire kaffir) qui épouse le tout. Réchauffées par l’humidité du zhong rincé à l'eau bouillante, les feuilles offrent  des parfums de tarte à l'abricot et de confiture. Dans l'ensemble, ces feuilles de thé ne présentent pas par de grands éclats odorants mais beaucoup de subtilité dans l’agencement de ses parfums. Je me réjouis d'avance de découvrir les arômes de la liqueur.

Spécialement pour vous, je prends la précaution de peser la quantité de feuilles sèches (avant de les déposer dans le zhong humide, bien entendu), il y en a 3g. L'infusion se fait dans notre petit zhong blanc (contenance de 6cl à 7cl). Nous avons l'habitude pour ce type de thé de réaliser des infusions très courtes, de l'ordre de 10s à 15s. Nous nous rendons rapidement compte que pour obtenir les arômes de ce thé, il faut pousser les infusions plus longtemps. Patrick est aux manœuvres. Il juge le moment de stopper l'infusion aux parfums qui recouvrent le couvercle du zhong. Au bout d'une quinzaine de secondes, ces parfums ne lui semblent pas suffisants, il attend jusqu'à un peu plus de 30secondes. C'est encore trop peu en fait. A la 5ème infusion, lorsqu'il se décide à pousser à 1minute le thé a déjà donné presque tout ses arômes qui deviennent presque imperceptibles. Par contre l'amertume se fait plus présente et la texture âpre. Mais revenons aux parfums et aux arômes de la liqueur.

Sur le couvercle du zhong, les parfums fruité (fruits jaunes) évoluent vers des parfums frais d'herbe, un peu florale, avec des épices douces (c'est léger). Patrick a préféré utiliser le set avec tasse à sentir (je les trouve trop petits ces sets), son ressenti est légèrement différent car il la respire de suite après l'avoir vidée, alors que je dois attendre que monsieur dépose le zhong pour m'emparer du couvercle, d'où les parfums s'estompent rapidement. Il a donc d'abord senti une odeur de légumes bouillis puis, comme moi, des fruits et des épices, plus tard une odeur citronnée (zeste) et florale... mais pas d'herbe. Soit! Il n'y a pas vraiment d'erreur en dégustation, seulement des manières différentes d'assembler les molécules des parfums, des arômes et de les exprimer. Alors, nous tombons rarement d'accord sur tout, mais dans les grandes lignes, nous nous rejoignons souvent.

La liqueur est jaune pâle, légère avec très peu d'attaque en bouche. Les arômes manquent de puissance. J'ai retrouvé la fraîcheur herbeuse (herbe aromatique?), surtout sur la (très faible) longueur en bouche, avec un côté un peu boisé-épicé. Les notes de fruits, d'abord sur des arômes de fruits jaunes, deviennent de plus en plus citronnées, plutôt feuilles de kaffir à mon avis. Malheureusement, elles manquent cruellement d'intensité. Sur la 5ème infusion (celle à 1min., presque sans arôme, donc sans intérêt), l’âpreté de la liqueur soutient des arômes empyreumatiques, c'est assez désagréable.


Grandes (voire très grandes) feuilles coupées, grandes feuilles entières, des tiges, voilà un aperçu de ce que l'on retrouve dans l'infusion (feuilles humides et ouvertes). Les feuilles sont assez vertes dans l'ensemble. On note des signes d'oxydation sur certaines feuilles, le brun sur les bords, et quelques autres ont même des taches brunes bizarrement réparties. Malheureusement, il y a des traces d'une mauvaise torréfaction (des bords de feuilles carbonisés), d'où les notes désagréables de brûlé, je comprends mieux.


Les plaisants parfums des feuilles sèches ne s'expriment pas dans la liqueur. Ils ne donnent en bouche que des arômes effacés, aucune attaque, aucune intensité, pas de longueur. En fait, aucune présence en bouche sauf quand la liqueur devient franchement désagréable... Déception. De plus, s'épuiser aussi vite pour un Dan Cong c'est de l'inattendu. Avec ce type de thé, habituellement on dépasse allègrement les 10 infusions consécutives, celui-ci est bien loin de les atteindre!

11 commentaires:

  1. Malheureusement, on rencontre facilement dans le commerce ce genre de "Dan Cong". En fait, il faudrait les appeler "phoenix oolong" car le terme "dan cong" est normalement réservé à des thés dont les feuilles sont prélevées d'un nombre très réduit de théiers (un, deux, voire trois), souvent anciens, alors qu'ici tout laisse à penser que ce soit plutôt du thé de plantation produit en masse. Il est facile de rencontrer de tels thés qui ont un parfum enchanteur, mais sans réel fond derrière... Cela dit, il faut souvent goûter pour le savoir, à moins d'avoir un nez très perspicace.

    Merci en tout cas pour cet article très agréable à lire. En espérant que le prochain thé soit meilleur !

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    1. Bonjour David,

      En fait, pour moi, peu importe qu'un thé soit un vrai Dan Cong ou issu d'une plantation de clones, du moment que les feuilles soient correctement manufacturée et que les arômes sachent me ravir... Ce qui n'est franchement pas le cas ici.

      D'habitude, je sens assez rapidement dans les feuilles sèches les parfums d'une mauvaise torréfaction. Je suis moi-même très étonnée de ne m'en être pas rendue compte sur ces feuilles.

      Quant au manque de fond après des parfums enchanteurs, d'après mon expérience (j'ai goûté deux autres thés de chez eux, un Mi Lan Xiang et un Da Hong Pao) ce n'est pas rare dans cette boutique. On m'avait pourtant dit du bien de Jing Tea Shop, je suis déçue... Les prochaines notes de dégustation ne seront donc, malheureusement, guère beaucoup plus enthousiastes!

      Heureusement, j'ai encore quelques bons thés dans mes placards pour me consoler.

      Merci à toi d'avoir laissé ce gentil commentaire.
      Je te souhaite également d'agréables dégustations.

      Ségolène

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    2. à propos des autres thés que tu as à gouter, avais vous eu l'occasion de préparer le Yu Lan Xiang?????

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    3. Gauthier l'a emporté pour ses vacances (il nous prive de tout ce p'tit singe!!)... il en fera certainement la fiche de dégustation. En attendant, rassure-toi, il est conservé dans une minuscule boîte à thé. Je pense que Gauthier le réserve pour un moment exceptionnel!
      Bisous petit Tanuki.
      Ségolène

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  2. He bhen dis donc,on est pas d'accord alors moi j'aime vraiment les thé de jing tea shop et ce yashi est même un de mes préférés.Réesaye en diminuant la quantité de feuilles et en augmentant la durée.J'essaierai de peser et chronométré la prochaine fois (qui plus est c'est pas un thé super bon marché).

    J'ai vraiment l'impression de t'avoir torturée en lisant tes derniers tests(à part les dragosn tea house que je savais pas terrible, j’apprécie les autres thés que je t'ai envoyé).J'espère que tu as apprécié certains thés que je t'ai envoyé

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    1. Bonjour Mr Pomme,

      J'espère que tu ne m'en veux pas trop, je ne souhaite pas te vexer, je suis simplement sincère. D'ailleurs, oui, j'ai bien aimé, contrairement à toi il me semble, le Bao Zhong de Tea Masters. J'en parlerais plus tard sur le blog, ne t'inquiète pas.

      Si j'ai dégusté de manière si rapprochée les thés de Jing Tea Shop, c'est que je me faisait vraiment une joie de les découvrir. Et alors, oui, j'ai été bien déçue... :(
      La rareté du thé et son prix n'y changent rien. Franchement, tu as vu l'état de l'infusion! Et encore, ce ne serait pas si grave si la liqueur parvenait malgré tout à exprimer suffisamment quelques bons arômes. Ce thé ne vaut certainement pas le prix auquel il est vendu, désolée.

      Je veux bien réessayer. D'ailleurs j'avais effectivement prévu de le faire en changeant les paramètres. Mais si cela influe sur le rendu de la liqueur (que j'espère meilleure), j'ai bien peur que ça ne change rien sur la piètre qualité des feuilles... ^^'

      Bon, je te préviens que les deux prochaines dégustations Jing Tea déposées sur le blog seront à peu près du même acabit, j'espère que tu n'en souffriras pas trop. C'est quand-même dingue ces thés aux parfums si agréables sur les feuilles sèches et à la liqueur si fade. De grandes promesses non tenue, ce sont des thés de politicien!

      Au fait j'ai oublié de le préciser, mais pour ces dernières dégustations, à chaque fois Patrick ignorait de quel thé et de quelle marque il s'agissait. Nous ne nous parlons quasiment pas durant les dégustations mais prenons des notes que nous partageons ensuite. Pourtant, il a eu les mêmes conclusions que moi...

      Ségolène

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  3. "ce sont des thés de politicien!" ;-D En fait, il est apparemment possible de faire ressortir des parfums lors de la manufacture du thé (flétrissement, etc), du moins c'est ce que je crois avoir compris... Par contre, ça ne changera pas la qualité intrinsèque des feuilles, faut pas rêver...

    "Réesaye en diminuant la quantité de feuilles et en augmentant la durée" Cette méthode va plutôt avoir pour effet de cacher les défauts d'un thé, ce qui n'est pas toujours une mauvaise chose. Plus on dilue, plus le thé obtenu est politiquement correct : les défauts se font discrets, et malheureusement les qualités aussi. C'est pour ça qu'on noie un sachet de thé Lipton, et qu'on a tendance à charger la mule avec un thé de qualité. Après, chacun sa méthode. Personnellement, j'utilise 5g de feuilles pour cette famille de thé dans le même style de zhong (m3t si je ne m'abuse) et au moins on est vite fixé sur la qualité de la marchandise... Si c'est bon, c'est vraiment extra, si ça ne l'est pas, les feuilles prennent la direction la théière de la grand mère de 2 litres.

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    1. Est-ce que la manufacture du thé ne sert pas justement toujours à cela, faire ressortir certains parfums et arômes? J'aurais fortement tendance à dire que oui. C'est un processus qui peut embellir un thé ou totalement le ruiner (j'ai bien pu constater cela dernièrement).

      Oui, diminuer la quantité de feuilles revient à diluer les arômes du thé dans la liqueur, ce qui effectivement permettra à un mauvais thé de passer sans être trop désagréable... Sinon, on peut toujours les faire en thé glacé infusées à froid dans environ 1l à 1,5l d'eau. C'est la technique qui me permet de débarrasser certaines boîtes du thé pas terrible qu'elles contiennent, sans désagrément particulier. Mais là, je crois qu'il n'y a pas besoin d'être si radicale, les paramètres de Mr Pomme devraient convenir.

      5g dans un si petit zhong (bien vu, celui-ci est bien de la M3T! -son jumeau à malheureusement eu un accident), ça me parait beaucoup. Les feuilles n'ont pas la place de se déployer, non? Pour un Dan Cong je charge à 4g max, et la plupart du temps à 3g. Je trouve que la liqueur est ainsi bien équilibrée, que les feuilles ont ainsi le loisir de s'exprimer. Mais, chacun ses pratiques et ses goûts, ce n'ai pas une critique. De plus, je trouve que le zhong est vraiment l'instrument idéal pour infuser les Dan Cong, et il est également mon outil de prédilection pour toutes les sortes de thé, en fait. Après, je ne dédaigne pas utiliser mes théières en terre à l'occasion, pour certains wulong et presque pour chaque infusion de Pu'Er.

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  4. non pas de soucis Ségolène, c'est vrai que c'est sans doute pour ça que je le bois comme ça et que la première fois je ne l'aimais pas.Au final ça ne fait qu'un an que je bois du thé d'origine, heureusement j'ai encore beaucoup à apprendre.

    La bonne question alors sera:Où trouver du bon dan cong à prix correct?Il faut que je passe chez nong cha voir ce qu'ils vont avoir en dan cong 2012 car j'ai récupéré un dong ding 2012 et il est succulent , il me fait songer à un mix entre un jade oolong et un jinxuan.Il venait de recevoir un oriental beauty de 2012(ils m'ont montré la boite qui vient de chine et on ouvert le sachet pour le faire sentir et ils avait l'air pas mal).

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    1. Tu me rassures, merci.
      Il n'y a pas de mal à débuter et le chemin de thé est long... Toute une vie ne suffirait pas à découvrir tous les thés et toutes les subtilités qu'ils recèlent.

      Comme toi, je cherche encore de bons fournisseurs. Quelques-uns me conviennent déjà pas mal: Thés de Chine (Paris 5e), Maison des Trois Thés (Paris 5e), Camellia Sinensis (Canada, mais heureusement sur internet aussi)... Peut-être que d'autres vont prochainement compléter cette courte liste, nous verrons bien.

      Pour le Beauté d'Orient/Oriental Beauty, je te conseillerais plutôt de choisir une récolte d'été. En effet les feuilles auront eu le temps de se faire attaquer par les insectes, ce qui lui conférera le goût si particulier qui fait sa réputation.

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    2. M.Pomme, j'ajoute à ce que dit Ségolène qu'il n'y a pas de "vérités" en thé (quoique, quoique, je ne suis pas sûr d'etre d'accord avec moi-même en écrivant cela)

      Effectivement, même en dégustant à l'aveugle, j'arrive à quelques nuances près aux mêmes conclusions que Ségolène. Mais il faut dire que depuis que nous nous intéressons sérieusement au thé, nous avons suivi le même parcours. Et force est de constater que nous avons des goûts très proches. Une prédilection pour les wulongs (notamment dan cong),un goût prononcé pour les verts chinois, un faible pour les darjeeling, un intérêt pour les pu er (surtout crus). Nous avons des divergences aussi (notamment sur les Ceylan et les Japonais), mais nos goûts étant proches, nos conclusions logiquement sont similaires.

      Patrick

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