vendredi 30 décembre 2011

La mère du thé

Selon l'expression consacrée, l'eau est la mère du thé. Comme un fils, il se construira avec ou contre elle.
Une mauvaise eau pourra étouffer les qualités d'un thé, au point de l'éteindre complètement. Une bonne eau lui rendra justice. La meilleure eau sera celle qui exaltera les qualités aromatiques du thé.
Il n'est pas étonnant que les anciens Chinois aient publié des traités sur l'eau. A chaque thé, ils essayaient de trouver l'eau qui lui convient. Cela requiert beaucoup de dégustations, même si sûrement on acquiert une certaine expérience et l'on se doutera à la longue qu'une association eau/thé fonctionnera ou non.

Tout le monde s'accorde sur deux points : le chlore et l'abondance de sels minéraux (calcaire notamment) tuent les arômes.Il faut donc veiller à utiliser une eau faiblement minéralisée et non chlorée. 
Faiblement minéralisée signifie que les résidus à sec à 180°C sont inférieurs à 500 mg /l (souvent, l'étiquette porte alors la mention "convient aux nourrissons"). C'est facile à vérifier pour les eaux en bouteille, beaucoup moins simple pour l'eau du robinet. A Bordeaux, l'eau ne convient pas, elle est trop calcaire (ce qui est d'ailleurs attendu : nous sommes en terre de vignoble et la vigne aime les terrains calcaires). L'eau de Bordeaux convient d'autant moins qu'il est très probable qu'elle contienne de nombreux pesticides (la notion de seuil de tolérance est une notion contestée cf rapport du WWF France sur l'eau de boisson) et suite à une pollution industrielle récente du perchlorate d'ammonium (produit utilisé pour faire décoller les fusées, les missiles et déclencher les airbags. C'est un perturbateur endocrinien. cf ce lien ou Sud-Ouest , journal local qui a publié plusieurs articles à ce sujet). C'est pourquoi nous avons renoncé à l'eau filtrée qui pourtant donne d'assez bons résultats (mais ces carafes sont des nids à microbe d'après l'UFC dossier eaux). D'après l'UFC et le WWF, il ne faudrait boire d'eau en bouteille que si la bouteille est en verre...

Un autre critère important est le pH qui définit l'eau comme acide (pH<7), neutre (pH=7) ou basique(pH>7). Avec Ségolène, nous avons pu constater qu'une eau acide donne de la vivacité au thé tandis qu'une eau basique donne une certaine lourdeur. Une même eau acide (de mémoire 6,5) avait réveillé un wulong un peu poussif mais avait rompu l'harmonie d'un darjeeling first flush et avait accru son acidité (forcément) et son astringence. 
Habituellement, nous utilisons de la Volvic qui est neutre et faiblement minéralisée. Par conséquent, elle convient à tous les thés. Cependant, certains thés s'épanouiraient certainement mieux dans une eau différente... Ah, goûter un long jing infuser dans l'eau du puits du dragon !

Dans nos habitudes, nous rejoignons donc la conclusion de Florent, du blog Sommelier en thé japonais, dans son intéressant billet sur l'eau :
" Disons, trouver une eau convenable, et puis point, ne pas en faire trop, et se concentrer sur la découverte de nombreux thés."

PS : Sur ce problème de l'eau, on pourra lire également cet article de Lihua qui donne quelques informations complémentaires. Je ne partage pas sa conclusion, néanmoins. 

Patrick

vendredi 23 décembre 2011

Thés chinois aux noms poétiques...

Dans sa grande robe rouge, la fée des eaux regarde le phénix s'envoler du mont glacé jusqu'au pied de la statue de fer de la déesse de miséricorde...

La poésie des noms des thés chinois nous emporte déjà ailleurs... Ils nous proposent déjà un voyage imagé, coloré, souvent féérique, parfois étonnant mais toujours onirique ! Mais comment les comprendre quand on ne nous donne que les noms chinois ? Il suffit de faire un petit tour sur le site du traducteur spécifique pour le thé
, du chinois vers l'anglais, "Babelcarp". En plus, il donne quelques indications sur la région de production et le cultivar... De quoi rêver tout en glanant quelques infos !

Amusez-vous !

jeudi 22 décembre 2011

...la lune sur le fleuve Garonne



Dans l'hiver tendre de la montagne au-delà des montagnes a été cueilli ce thé
Finement préparé, réchauffé et plié, bientôt il nous sera livré
Alors que s'admirera la lune sur le fleuve Garonne
Dans notre tasse il réveillera tous ses arômes




Patrick, XXIè s.

(ce n'est qu'un clin d'oeil !)

mardi 20 décembre 2011

...la lune sur le fleuve Hsiang

Dégustant le thé



Les bourgeons en bec d'aigle du théier odorant, fraîchement pliés et compressés
Le vieillard les a empaquetés pour en expédier à ma demeure d'immortel banni
En plus cette nuit il y a la Lune sur le fleuve Hsiang
Elle éclaire les fleurs au parfum suave qui emplissent ma tasse



Liu Yu Hsi (VIIIè -IX siècle)



lundi 12 décembre 2011

Où il est question de la maladie de l'étiquette et du Formose Wu Long

Formose Wu Long... Voilà un nom qui laisse un grand nombre d'interprétation. Je ne connais pas assez le thé, et les thés taïwanais pour deviner ce qui se cache derrière cette appellation. Je suis en effet atteint de cette maladie qui a commencé par quelques curieux honnêtes hommes du XVIIIè, comme Linné qu'il faut s'imaginer regardant une plante non avec l'émerveillement de l'enfant découvrant la nature, mais un carnet à la main et la volonté ferme d'établir le catalogue raisonné et complet de l'univers. Cette maladie a gagné les scientifiques et les industriels du XIXè siècle pour s'étendre au vaste public des consommateurs du XXIè. 
L'homme d'autrefois goûtait des "groseilles de Chine", du vin "de Bordeaux", du whisky d'Ecosse. Pour nous, la Chine n'est plus le synonyme d'un Orient flou et lointain. Nous ne buvons plus du Bordeaux, mais du Saint-Emilion ou du Médoc d'une année précise, nous voulons savoir si le whisky vient des Highlands ou des îles... Notre première rencontre avec le produit, c'est l'étiquette. Nous avons la manie de tout savoir. Nous ne vivons plus dans le monde, mais dans un catalogue immense...
   Je vous livre ses réflexions comme elles me viennent. Je ne sais si un historien a déjà abordé cette question de l'histoire du goût. Car commencer par l'étiquette, c'est déjà se mettre en condition pour la dégustation, c'est mettre en branle la machine à préjuger.

   Atteint de cette "maladie" donc, l'imprécision de l'étiquette m'a d'abord frustré. Mais mes préjugés sont favorables : c'est une dame de qualité qui nous offre ce thé, puisque c'est Francine de La Théière Nomade (cf post précédent). Les seconds préjugés favorables sont contenus dans les simples mots : oolong, Taïwan. Je m'amuse d'ailleurs à penser qu'il y a quelques années, "Formose WuLong" aurait constitué pour moi une appellation fort experte.

  Imaginez que devant vous un petit paquet scellé porte la mention "Formose Wu Long". Qu'attendez-vous à sentir ? Notez les quatre, cinq mots qui vous viennent. Ne trichez pas : tenez, écrivez maintenant ces mots dans les commentaires. Vous ne continuerez à lire qu'après. Eh oh, APRES ai je dit ! On ne triche pas !





On ne triche pas, hein ! Bon, j'ouvre le paquet. Je verse les grosses perles vertes dans une cuillère de bambou.
 L'eau, versée dans le zhong, réveille le thé. Le couvercle capture des odeurs "vertes" : des épinards, des algues, des herbes coupées, mais aussi, plus sec, du foin. A la bouche, la liqueur est aqueuse, veloutée. Elle titille la langue par une légère âpreté et une pointe d'astringence, une légère amertume également. Ce qui domine, c'est la fraîcheur . Ce sont des odeurs de pré : une fraîcheur fleurie, du foin, de l'herbe. La deuxième infusion est plus sucrée. A  la troisième les épinards sont transformés en boutons d'or : le nez et la bouche sont plus fleuris, une acidité nouvelle s'associe aux légumes pour donner des parfums d'oseille. La quatrième fois, je ne peux identifier de boutons d'or, mais les fleurs sont toujours jaunes. L'oseille s'assourdit.

 Si j'avais eu à noter mes préjugés sur le Formose Wu Long, j'aurais noté : légèreté (Bao Zhong), fleurs (Tie Guan Yin), fruits  (Beauté d'orient). Je n'aurais pas pensé aux légumes, aux algues, qui pour moi étaient typiques du thé japonais. Comme quoi, il faut se méfier de l'étiquette, c'est à dire, ne pas juger par l'étiquette. A le goûter, à trouver ces goûts précisément, Ségolène et moi nous sommes dit que Francine qui est amatrice de thé japonais (entre autres) avait voulu nous offrir ses préférences, ses inclinations en partage. 
Et ce partage, c'est toujours un plaisir !

Merci beaucoup !


Patrick
 

dimanche 11 décembre 2011

Notes de dégustation Ali Shan

Bonjour, bonjour,

Avertissement

Les plus pressés sauteront le paragraphe suivant, voire pourront ne lire que l'essentiel qui est en italique

Prolégomène inutile en forme d'excuses procrastinesques.

Ce n'est jamais évident de se lancer dans le grand bain virtuel. Je trouve que l'espace cybernétique est un peu froid. Mais bon, si je veux éviter les coups de fouet dans le monde réel, il semble que je doive participer à ce blog ainsi que je m'y étais engagé (mais ce n'est qu'un détail) auprès de Ségolène, ma compagne, créatrice de ce blog. Je pourrais faire une liste des raisons objectives qui m'ont poussé obligé à remettre à plus tard ce que j'aurais pu faire dès le début, mais bon, passons cela sous silence...
Tout ça pour dire que j'essaierai d'accompagner Ségolène en cet espace.

Introduction

     Ainsi, nous fûmes à Paris il y a quelques temps déjà et nous en profitâmes pour visiter quelques hauts lieux du commerce de thé. Nous avons eu le plaisir, trop bref hélas, de rencontrer Francine qui anime un blog fameux, qui se trouve être l'un des premiers que j'ai lu, parmi les blogs théinés. Nous avons échangé quelques mots sur notre passion commune, sur nos régions respectives et sur les nourritures terrestres qui nous attendaient. Nous avons également procédé à un échange absolument inéquitable de thé puisque Francine nous a offert 236 échantillons de thé alors que nous n'en avions qu'un demi dans notre besace (bon, j'exagère peut-être). C'est pas grave, puisque nous ne désespérons pas de nous "venger" un jour, que ce soit à Bruxelles, Bordeaux, Paris, Strasbourg ou, rêvons un peu, au sommet du mont Lu.

Dégustation de l'Ali Shan : technique et impression générale

    L'un des thés que nous a offert Francine répond au nom d'Ali Shan. Il provient de la montagne Ali, à Taïwan. Nous l'avons dégusté selon la méthode chinoise d'infusion rapide en tasse à couvercle doté d'une sous-tasse (gong fu cha en zhong, si vous préférez) puisqu'il s'agit d'un oolong.
    Pour les amateurs de technique (j'y reviendrai, dans un prochain post), Ségolène s'est amusé à peser la quantité de thé mise dans le zhong : 6 grammes. C'est un zhong très petit en porcelaine très fine, translucide. Il contient peut-être 10 cl d'eau. L'eau était de la Volvic chauffée à 94,758°C environ. L'infusion est vidée en tasse à sentir puis en tasse à boire.
    C'est un thé très agréable, léger, végétal, fleuri un peu épicé. Si j'étais moine taoïste, je l'utiliserais à coup sûr pour mes méditations.

     Observation des feuilles sèches

  Elles sont vertes, noires et bleues, roulées très serrées, en billes peu volumineuses (si Ségolène a pris des photos, elle ne manquera pas de les ajouter). Les premières senteurs sont celles de la torréfaction mais aussi des odeurs vertes, fleuries, boisées (Ségolène évoque l'osier, je pense plutôt, en associant ces notes à celles du sucre à quelque chose d'épicé, à du pain, de la croûte de pain). Il y a également une note de cannelle. Les dominantes sont le torréfié et le fleuri.


    La liqueur

 Je n'ai pas noté la couleur, ni la transparence. De mémoire, c'était un thé très clair et jaune.

       1ère infusion

 *Au nez, je sens du miel, du beurre, du grillé (du pain ?). Puis des épices douces et chaudes que je rapproche de la cannelle faute d'avoir connaissance d'une épice plus proche.
*En bouche, c'est très léger, beurré puis floral. Cela évoque non pas la rose mais une fleur plus délicate et moins soutenue. La liqueur donne une impression aérienne.

     2è infusion

 * Au nez, toujours du miel, du beurre et un grillé mêlé aux épices qui rappelle le pain. Il y a aussi du miel épicé. Les notes évoluent assez rapidement dans la tasse à sentir.
   * Les impressions sont moins légères que pour la première tasse. C'est moins aérien, plus beurré, le miel est plus présent.

    3è infusion

* Au nez : le miel est épicé, acide (un peu comme du miel de chataîgne). Le pain grillé est toujours là. Aussi des parfums évoquant la cannelle et le caramel.
*Cette infusion était malheureusement trop forte, ce qui a donné une pointe d'amertume, un peu d'astringence et mis trop en avant les notes de torréfaction. En revanche, ceci a fait que la longueur en bouche était plus soutenue : de l'amertume, de l'astringence et de la réglisse.

  4è infusion

* Au nez : du beurre fondue, des fleurs blanches, du pain grillé. Toujours du miel, mais plus doux que précédemment.
* En bouche, le thé garde son côté fleuri et végétal. Les notes de beurre s'estompent pour devenir plus huileuses au cours des deux prochaines infusions.

Au cours de la 5è et 6è infusions, les parfums s'estompent : toujours présents, ils deviennent trop subtils, trop fins pour que je puisse correctement les décrire. Les fleurs s'éloignent, le miel et les épices s'adoucissent encore, ces dernières allant vers la réglisse.

   L'infusion



  Les feuilles humides dégagent des odeurs de légumes verts bouillis ou en soupe, qu'on ne retrouvait ni dans les parfums ni dans les goûts de la liqueur. En revanche, elles exhalent des notes de pain ou de sésame grillé que l'on retrouvait bien.





  Conclusion

 Ce fut un agréable moment passé à deux, et même presque à trois puisque Francine était avec nous en pensée ! Ce thé est vraiment excellent. Je me suis laissé aller à l'exercice de style de la note de dégustation, mais ce n'était pas un moment froid et technique. Ségolène étant un peu enrhumée, je prenais des notes à la volée pour fixer mes impressions. Mais ce qui ressort d'une séance de dégustation, c'est le plaisir, plaisir de l'odorat, du goût et plaisir de la complicité partagée, que le complice soit à portée de sourire ou plus éloigné !

Patrick