lundi 23 juillet 2012

Première dégustation cubiste


A l'aveugle à nouveau, je goûte ce que je reconnais être un Dan Cong, ou peut-être pour reprendre la remarque de David à propos d'un billet précédent, un Phoenix Oolong. C'est plus précisément un Mi Lan Xiang mais après quelques mois sans pratique de la dégustation, j'ai perdu de l'entrainement ;-) Il faut goûter, pas nécessairement beaucoup, mais régulièrement pour se faire le nez : apprendre à mettre des mots sur les sensations, mémoriser les odeurs, les discriminer.


I Les feuilles sèches

Elles ont des teintes sombres allant du brun au noir. Elles sont fines, longues. Elles sont très torréfiées et dégagent des notes de caramel, charbon et bois brûlé. Placées dans un zhong chaud, elles développent des parfums de fruits rouges comme la mûre.

L'infusion se fait dans de l'Ogeu presque bouillante, dans un zhong de porcelaine très fine. La première dure moins de la moitié d'une minute, les autres une quinzaine de secondes.

II La tasse à sentir :

Toujours au nez, je sentirai du caramel, quelquefois des épices et parfois du bois brûlé. Il y a aussi un aperçu d'autres notes, agréables et fruitées, mais qui disparaissent trop vite pour que je puisse les identifier vraiment. Elles n'apparaissent qu'en souvenir lointain, déjà effacées.


 
III La liqueur :

Et pourquoi ne pas troubler le lecteur aussi ? Lui faire perdre aussi les références comme moi qui déguste sans savoir quoi. L'idée, à vrai dire, n'est pas, d'abord, de perturber le lecteur. Non, l'idée vient de la dégustation elle-même. Je retrouve des fruits (fruits de la passion, mangue, litchi) mais pas aussi clairement que l'énoncé le laisse croire. Si j'écris litchi, si vous en avez déjà mangé, vous savez ce que je veux dire. Mais je n'ai pas senti du litchi, mais de la rose non entêtante mêlée d'un peu de raisin, de douceur sans le sucre : ce n'était pas du litchi mais des fruits de la passion et de la mangue qui s'adoucissaient en s'évanouissant. Comment faire comprendre que ces sensations durent quelques rapides secondes quand il faut six lignes pour les écrire ?

Je pense qu'on a raison de chercher des associations avec la nourriture ou les fleurs. Mais ce n'est pas la seule possibilité. Il serait intéressant de savoir comment font les autres nationalités. J'ai entendu dire que les Chinois étaient moins analytiques. Cependant, à en juger par le nom de certains thés (Mi Lan Xiang est un bon exemple), ils les associent assez facilement à des fleurs.

Mon idée est donc de continuer cette note en associant les sensations ressenties à des formes, des couleurs,...

Des triangles légers, ocres, frottent la langue. Le fond est trop lourd, gris-marron. Il s'alourdira encore jusqu'à devenir désagréable. Un voile jaune, presque orangé se mêle à d'autres voiles de même nuances. Ils se mêlent puis rosissent jusqu'à prendre la couleur de l'aurore.


A la deuxième infusion, le fond est moins lourd, moins sombres, les triangles ocres soulignent le rosé, le jaune. Même tableau à la troisième, mais tout disparaît trop vite. A la quatrième, les triangles sont beaucoup trop rugueux, le fond marron dégrade toutes les couleurs.


IV Conclusion

Le jaune, l'orange, le rose paraissent vifs au nez, mais s'estompent trop rapidement en bouche. La rugosité des triangles est d'abord agréable, équilibre les sensations puis vire au rêche. Le marron, trop lourd, trop sombre, devient véritablement désagréable à la quatrième infusion.

Le thé est bon, mais ne tient pas ses promesses. Il manque singulièrement de puissance, surtout pour un Mi Lan Xiang. Il mériterait une eau neutre ou légèrement acide qui égaierait sans doute ses couleurs.

Milan Dancong AAA Ptps2011 de Jing Tea Shop


Patrick

(Illustrations de Ségolène)
[ATTENTION MODIFICATION: Oups! Vraiment, vraiment désolée. En voulant faire trop vite, je n'ai pas publié le texte complet de Patrick... Les dangers du copier-coller! Rectification faite le soir même. Profitez donc de la dégustation complète. Toutes mes excuses.]

7 commentaires:

  1. Intéressante cette approche visuelle du ressenti face à un thé. Synesthésie ?
    Petite question qui me brûle les lèvres depuis que je vous lis : pourquoi inscrivez-vous toujours le nom de votre blog et son URL sur vos photos ? On vous en a déjà piqué quelques unes ?

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  2. Une question qui me brulait les lèvres, Merci Sébastien!
    Ayant été une très grave victime de ce type d'incident...J'avais la corde au cou, presque!
    Elle est bien bizarre la blogosphère c'est un milieu qui me déplait de plus en plus : je pose la question / débat à tous les Théiers et aux autres : Nous critiquons sans cesse une globalisation du Monde amenant à une uniformisation des choses.Tout se ressemble s'assemble comme une forme de mimétisme effrénée du désir menant à l'escalade du violent(je recommande la lecture à ce propos de René Girard)...Je conçois que chacun puisse avoir sa place sur le net c'est fait pour cela, mais quel intérêt de vouloir copier, voler ou je ne sais quoi.Tout le monde à un moment donné dans une discipline est amené à répéter les informations de spécialistes afin que les propos tiennent la route la vérité et la justesse.Cela c'est un héritage une transmission que certains partagent, d'autres pas.Tout comme la relation de Maitre à élève...il y a respect : le Maitre sait qu'il en apprendra autant que l'élève et vice versa!
    Je crois que par manque de créativité, de renouvellement, de remise en question tout cela arrive et c'est bien dommage car on a le droit d'avoir sa propre Signature et pas celle d'un autre ou d'une autre.On a assez d'ego pour tenir des blogs autant ne pas tomber dans le mimétisme des égos : je vous assure cela ne mène qu'à l'escalade des égos entre aux,un capharnaüm, inaudible et à la violence...
    Merci et Synesthésie bien belle référence en terme de "Unique".

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  3. C'est vrai qu'une approche visuelle peut illustrer les émotions ressenties lors d'une dégustation de thé, surtout sur le support web. Je ne connaissais pas Synesthésie, voilà qui est fait. Pour rebondir sur le commentaire de Philippe, je suis aussi parfois perplexe face à la blogosphère, mais je crois que finalement, elle représente le monde actuel en général... L'individualisme, les égos (surdimensionnés ou non) sont à l'oeuvre. Certes. Mais j'ai aussi remarqué la sincérité, et c'est pourquoi je reste optimiste (pourvu que cela dure). Diversifier ses sources d'inspiration est une chose, faire du copier/coller en est une autre. Qu'en pensez-vous?

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  4. Visuelle & auditive Chère Charlotte!
    Je compare souvent la Musique à l'évolution d'un Thé en tasse : des notes aiguës et aiguisées au violon ou à la rondeur d'une basse, contre basse & tasse bien boisée!
    Je crois que l'on va tous être d'accord sur le constat; une chose me vient aussi à l'Esprit Charlotte et ce n'est pas pour baisser les bras il existe des perles et là je suis ton optimisme et à coté des gens de mauvaises foi...This is it! et je me dis est-ce si important tout cela? Quand on y a consacré autant de sincérité et qu'on tente de tendre avec tendresse grâce cette discipline du thé qui l'accompagne à une forme de sagesse et d'équilibre j'ai envie de répondre "Oui" cela craint!
    addicttea et c'est un paradoxe est mon lieu de l'intime le plus précieux le plus narcissique possible et il est pourtant public ;Oui soit, un peu d'ego! et si on lit entre les lignes on peut apprendre à me connaitre(surtout avant). Il est dur d'inscrire une intimité mais c'est aussi comme mon défi.Je ne sais écrire autrement qu’en partant de mes observations de mes Sens... et l'intellect parfois! Au delà de cet aspect égotique narcissique ma f(a)in ma soif est de rendre hommage objectivement grâce à la photo entre autres à des Hommes que ce soient du simple cueilleur Taïwanais jusqu'à la description et la travail de Stéphane pour ne citer qu'eux; Akira Hojo Postcards Teas Essence of Tea...
    Alors élitisme ou pas? Oui et alors!J'ai débuté avec des thés parfumés de qualités diverses puis je me suis focalisé sur les Oolongs...au bout de quelques années et quand on le sent on passe à des Grands Crus le palais s'étant exercé et c'est extra - ordinaire;c'est la même chose pour le Vin et l’œnologie.Et quand on ne roule pas sur l'Or, on préfère dépenser mieux c'est un choix : regardons le prix de certains thés parfumés de Chez Mariages par ex ou leurs Crus en feuilles entières : les thés sont certes appréciables et bien assemblés et je prends pour exemple une enseigne prestigieuses mais les prix je ne préfère pas les commenter c'est honteux!Les boites noires sont jolies! Je perdrai mon argent dans ces grandes boites prestigieuses.Je défends l'authentique,l'amour du travail bien fait et une certaine profondeur spirituelle : on obtient les meilleurs thés du monde avec ses valeurs.Ces "plus" que vendeurs sont à fond dans le Thé et oui il y a une échelle des valeurs que cela plaise ou pas : la vérité dérange : un thé authentique fait dans les règles de l'art de générations en générations dans un Terroir bien particulier n'aura rien à voir avec un Oolong à 40 / 50 euro les 100 grammes tout calibré genre mélange de lots dont on ne connait la provenance précise... ; je ne citerai aucune enseigne cette fois; mais franchement pour le même prix on peut avoir de la bombe en tasse.Chacun son chemin ses choix quant à moi c'est toujours le qualitatif qui prime sur le quantitatif et cela dans tous les domaines.
    Commentaire égotique!
    Merci.

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  5. Je suis absolument d'accord avec ce que tu viens de développer là. Comme beaucoup de personnes, j'ai aussi débuté avec des thés ordinaires, et sentant bien qu'il y avait "quelque chose" de plus, j'ai démarrer sur le chemin du thé en recherchant la qualité et l'authenticité. Recherche que j'applique également dans les autres domaines de la vie. Et je ne considère pas que ce soit de l'élitisme. Ce serait plutôt un art de vivre. Bien entendu, il existe des thés de hautes et de basses qualités. Comme tu le dis, il faut faire des choix... Et puis, si nous avons conscience de notre égo, c'est déjà pas si mal!
    Merci à toi aussi.

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    1. Si nous nous sommes faits voler des photos, c'est à notre insu. C'est en quelque sorte une protection, une manière de faire en sorte que les photos soient sourcées. C'est une manière de rendre les photos traçables ! Celui qui voit les photos ailleurs saura venir ici s'il en ressent l'envie.
      En tous cas, nous n'avons pas eu de mésaventure telle que celle de Philippe. La qualité des photos de Ségolène n'est pas comparable à celle de Philippe, celles de Ségolène sont informatives.

      Pour le reste, il faut vivre et laisser vivre. Agir pour soi, et non pour les autres (que ce soit pour les suivre ou au contraire pour prendre le contre pied systématique).

      Je me posais cette question : "
      Je pense qu'on a raison de chercher des associations avec la nourriture ou les fleurs. (...) Il serait intéressant de savoir comment font les autres nationalités. "
      Et bien, sur Facebook, un Chinois de Singapour et un Californien m'ont répondu : ils font la même chose, c'est à dire, leurs concitoyens amateurs de thé font la même chose. Cependant, le Chinois m'enjoignait à ne pas trop analyser pour être plus ouvert à une dimension mystique. Je pense que nous sommes nombreux à ressentir le gong fu cha comme un moment de concentration et (presque) de recueillement. Ca transpire plus ou moins dans les blogs, parce que chacun y est plus ou moins sensible. Mais en Chine (et dans la sphère d'influence chinoise), cette dimension est plus prégnante évidemment. Elle paraît sans doute évidente.

      Pour en revenir à Synes-Thé-sie, j'avoue que je n'ai pas du tout pensé à ce blog en écrivant ma note. Pourtant, effectivement, ma note suit exactement le même procédé : dégustation canonique puis "tableau de couleurs". L'auteur ajoute une référence à la musique également. Comme l'écrit Philippe, les comparaisons à la musique sont peu courantes mais apparaissent ici ou là (plutôt des références classiques, mais Ségolène a écrit une note sur le Si Ji Chun en pensant à L'ivresse des hauteurs d'Arthur H (j'avais eu la meme idée, mais j'ai été moins rapide au clavier, je publierai peut être ma version, un jour)).

      De toute façon, il ne s'agit pas de piller une idée, de même que celui qui trouve de la rondeur, des sous-bois à son pu er ne pique pas une idée. Il refait l'expérience. Le principe de la synesthésie est assez ancien. Je n'invente rien. Ainsi, ce jeune poète qui ne buvait pas que du thé :

      A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
      Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
      A, noir corset velu des mouches éclatantes
      Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

      Golfes d'ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
      Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ;
      I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
      Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

      U, cycles, vibrements divins des mers virides,
      Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
      Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

      O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
      Silences traversés des Mondes et des Anges ;
      - O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux !


      Merci de votre attention et au plaisir de vous lire !

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  6. Salut les théiers,

    Que ce soit litchi, mangue ou fruit de la passion, un thé a nécessairement une dorsale de saveurs. Cette dorsale est dans les feuilles, à l'intérieur. Au dessus, je dis bien au dessus il y a aussi des saveurs qui sont à l'extérieur des feuilles. On les perçoit aussi.

    Ces saveurs extérieure, j'y était profondément attaché au début de mon chemin. C'est peu commun de percevoir des odeurs et des goûts auxquels on n'est pas habitué pour un thé (nature). Et puis cela c'est évanoui. D'autres capteurs prennent le relai pour rencontrer par exemple la texture en bouche, le corps du thé, ... et bien sûr cette dorsale que j'ai décrit plus haut.

    Alors à un moment donné, on est entre deux perceptions, parce que on chemine. On croit que l'on a perdu un "nez". En fait on évolue... d'une autre manière...Bref !

    Pour compléter le débat qui s'ouvre dans les commentaires au sujet de l'authenticité, mon point de vue est simple. On a tous un égo. C'est le propre de l'être humain après tout :)

    Pour certains, cet égo est travaillé depuis longtemps, pour d'autres cet égo est travaillé depuis bien, bien, bien longtemps. Comme une roche usée par l'eau qui s'écoule. Pour d'autres encore cet égo est juste découvert...

    Ce qui émerge alors c'est une authenticité ou un copier/coller ou un entre-deux.

    Au revoir les théiers.
    Nicolas

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