lundi 12 décembre 2011

Où il est question de la maladie de l'étiquette et du Formose Wu Long

Formose Wu Long... Voilà un nom qui laisse un grand nombre d'interprétation. Je ne connais pas assez le thé, et les thés taïwanais pour deviner ce qui se cache derrière cette appellation. Je suis en effet atteint de cette maladie qui a commencé par quelques curieux honnêtes hommes du XVIIIè, comme Linné qu'il faut s'imaginer regardant une plante non avec l'émerveillement de l'enfant découvrant la nature, mais un carnet à la main et la volonté ferme d'établir le catalogue raisonné et complet de l'univers. Cette maladie a gagné les scientifiques et les industriels du XIXè siècle pour s'étendre au vaste public des consommateurs du XXIè. 
L'homme d'autrefois goûtait des "groseilles de Chine", du vin "de Bordeaux", du whisky d'Ecosse. Pour nous, la Chine n'est plus le synonyme d'un Orient flou et lointain. Nous ne buvons plus du Bordeaux, mais du Saint-Emilion ou du Médoc d'une année précise, nous voulons savoir si le whisky vient des Highlands ou des îles... Notre première rencontre avec le produit, c'est l'étiquette. Nous avons la manie de tout savoir. Nous ne vivons plus dans le monde, mais dans un catalogue immense...
   Je vous livre ses réflexions comme elles me viennent. Je ne sais si un historien a déjà abordé cette question de l'histoire du goût. Car commencer par l'étiquette, c'est déjà se mettre en condition pour la dégustation, c'est mettre en branle la machine à préjuger.

   Atteint de cette "maladie" donc, l'imprécision de l'étiquette m'a d'abord frustré. Mais mes préjugés sont favorables : c'est une dame de qualité qui nous offre ce thé, puisque c'est Francine de La Théière Nomade (cf post précédent). Les seconds préjugés favorables sont contenus dans les simples mots : oolong, Taïwan. Je m'amuse d'ailleurs à penser qu'il y a quelques années, "Formose WuLong" aurait constitué pour moi une appellation fort experte.

  Imaginez que devant vous un petit paquet scellé porte la mention "Formose Wu Long". Qu'attendez-vous à sentir ? Notez les quatre, cinq mots qui vous viennent. Ne trichez pas : tenez, écrivez maintenant ces mots dans les commentaires. Vous ne continuerez à lire qu'après. Eh oh, APRES ai je dit ! On ne triche pas !





On ne triche pas, hein ! Bon, j'ouvre le paquet. Je verse les grosses perles vertes dans une cuillère de bambou.
 L'eau, versée dans le zhong, réveille le thé. Le couvercle capture des odeurs "vertes" : des épinards, des algues, des herbes coupées, mais aussi, plus sec, du foin. A la bouche, la liqueur est aqueuse, veloutée. Elle titille la langue par une légère âpreté et une pointe d'astringence, une légère amertume également. Ce qui domine, c'est la fraîcheur . Ce sont des odeurs de pré : une fraîcheur fleurie, du foin, de l'herbe. La deuxième infusion est plus sucrée. A  la troisième les épinards sont transformés en boutons d'or : le nez et la bouche sont plus fleuris, une acidité nouvelle s'associe aux légumes pour donner des parfums d'oseille. La quatrième fois, je ne peux identifier de boutons d'or, mais les fleurs sont toujours jaunes. L'oseille s'assourdit.

 Si j'avais eu à noter mes préjugés sur le Formose Wu Long, j'aurais noté : légèreté (Bao Zhong), fleurs (Tie Guan Yin), fruits  (Beauté d'orient). Je n'aurais pas pensé aux légumes, aux algues, qui pour moi étaient typiques du thé japonais. Comme quoi, il faut se méfier de l'étiquette, c'est à dire, ne pas juger par l'étiquette. A le goûter, à trouver ces goûts précisément, Ségolène et moi nous sommes dit que Francine qui est amatrice de thé japonais (entre autres) avait voulu nous offrir ses préférences, ses inclinations en partage. 
Et ce partage, c'est toujours un plaisir !

Merci beaucoup !


Patrick
 

4 commentaires:

  1. Alors là, je n'en reviens pas! Je ne reconnais pas mon thé dans cette superbe description. C'est le seul thé acheté par ma belle-fille, qui ne boit que très occasionnellement cette boisson... d'habitude c'est sa maman qui s'en occupe mais elle était absente quand j'ai passé ma commande. Moi aussi quand j'ai vu l'emballage, j'ai un peu craint, mais j'ai été étonnée de la qualité de ce thé "produit blanc" comme on dirait en Belgique. Par contre, les algues et tout ce qui tourne autour... je n'ai rien perçu de tout cela, faudra que je le regoûte! En tous cas, BRAVO pour cette description, bonne soirée, bons thés,
    Francine

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  2. Bonsoir. Je n'avais pas de crainte, plutôt une sorte de frustration de ne pas savoir. Mais ce n'est pas mal finalement de déguster à l'aveugle. Ségolène était un peu trop enrhumée pour profiter pleinement de cette dégustation mais elle a trouvé plus fleuri et plus boisé que moi. En général, quand on goute à deux, on note chacun nos impressions sur une feuille et ensuite on se parle : les ressentis, les associations ne sont pas les mêmes (souvent similaires tout de même). Je passerai sur ton blog voir si tu as déjà "commenté" ce thé.

    Bonne soirée !

    Patrick

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  3. Comme demandé, voici ce que m'évoque la mention "Formose Wu Long".
    - feuilles roulées
    - vert
    - odeur d'herbe fraiche
    - voyage
    (et sans tricher)

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  4. "Voyage"... J'aime bien cette association. C'est vrai que depuis que j'ai découvert le thé, je rêve d'aller à Taïwan, à Darjeeling et en Chine.

    Tu aurais sans doute été moins dérouté que moi par ce thé.

    Merci de ta participation...

    Patrick

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